Dans l'étrange bienveillance japonaise, la barrière de la langue peut devenir votre alliée pour frauder en toute légalité.
Lors de mon voyage à Hiroshima en 2006, je me retrouve confronté à un défi : trouver le tramway pour rejoindre le musée de la paix.
Les panneaux et les chiffres sont tous en japonais, et aucune traduction n'est disponible.
Les touristes occidentaux, moi y compris, se retrouvent perplexes devant la gare, cherchant désespérément des indices.
Puis, un voyageur semble déchiffrer le bon tramway sur une carte et, tel un troupeau, nous le suivons aveuglément.
Une fois à bord, nous découvrons que pour payer notre billet, les Japonais jettent simplement leurs pièces dans une corbeille.
Mais pour nous, étrangers démunis, le prix est indiqué en japonais, sans chiffres arabes.
Nouvel échange de regards perdus. Le chauffeur, ne parlant pas anglais, ne nous aide pas.
Alors, nous sortons quelques pièces de nos portefeuilles et les déposons dans la corbeille, en espérant que cela soit suffisant.
Le chauffeur ne dit rien et, quinze minutes plus tard, nous arrivons à destination.
Plus de quinze ans après, je ne connais toujours pas le prix exact du ticket de tramway à Hiroshima.
Le chauffeur n'a pas vérifié si nous avions mis la somme correcte dans la corbeille. Il a sans doute compris que nous ne comprenions rien et que ce n'était pas de notre faute.
Plutôt que de sanctionner les voyageurs en raison de la barrière de communication, les Japonais les laissent frauder, avec une compréhension bienveillante.
Cette approche intelligente consistant à ne pas punir en cas de non-compréhension me fait réfléchir.
Je me demande si un Japonais rencontrant le même problème en France bénéficierait de la même indulgence. Mais j'ai bien peur de connaître la réponse.