Dans un pays où la méritocratie est citée à tout bout de champs, l'héritage est-il un archaïsme à supprimer ? Une récente proposition de loi voudrait faciliter les transmissions. Voici ma réflexion.
Selon certains auteurs, comme John Locke ou Émile Durkheim, seule la propriété légitimement acquise, autrement dit par le travail individuel, est légitime.
L'héritage ne serait pas légitime dans le sens où c'est plutôt la conséquence d'une oeuvre collective (les parents, grands-parents, …) qu'individuelle.
Et l'héritage conduirait à une distortion de concurrence indue entre les individus : même si cela n'a rien d'inéluctable, on réussit plus facilement avec un pécule de départ qu'en partant de rien.
Il y a donc philosophiquement une forme d'antagonisme entre la notion de propriété et celle d'héritage.
Pourtant, personne n'ose remettre en cause l'héritage, d'autant plus que c'est une notion largement défendue dans la population selon les sondages d'opinion.
Pourtant quelques milliardaires américains déshéritent au moins en partie leurs descendants.
Si d'un point de vue moral la suppression de l'héritage peut se défendre, il convient de prendre aussi en considération les avantages de l'héritage.
J'en citerais 3 :
1️⃣ L'effet carotte :
L'héritage, le fait de pouvoir transmettre à ses enfants pour les protéger, est un puissant facteur de motivation au travail et donc de contribution à l'économie.
2️⃣ La pérennité économique :
Un élément qui explique qu'à la différence de l'Italie ou de l'Allemagne nous avons en proportion moins de PME,
est la plus grande difficulté de transmission, qu'elle soit liée à des considérations culturelles, ou à l'environnement fiscal et juridique.
De fait beaucoup d'entreprises ferment ou sont revendues à la retraite ou au décès du dirigeant faute de repreneur,
alors qu'en Italie ou Allemagne elles restent plus facilement dans le giron familial, aboutissant à une plus grande pérennité.
3️⃣ La redistribution intergénérationnelle :
Dans un contexte où les générations du baby-boom ont bénéficié d’une croissance économique exceptionnelle
et où les générations suivantes ont connu des difficultés économiques croissantes (chômage élevé, précarité, retraite incertaine),
l’héritage peut être vu comme une forme de redistribution intergénérationnelle qui permet aux jeunes générations d’avoir un meilleur départ dans la vie.
Vous déshériteriez vos enfants au nom de la méritocratie et de vos valeurs ?