Darmanin propose de résoudre le trafic de drogue en supprimant l'argent liquide. C’est simple, radical, efficace. Sauf que c’est aussi une révolution anthropologique majeure. En Suède, pionnière du paiement numérique, les espèces ne représentent plus que 1,4% des transactions en valeur. En France ? 28%, malgré les plafonds, les cartes, les applis, les montres, et les injonctions. Pourquoi ça résiste ? Parce que l'argent liquide, c'est de l'autonomie. Un dernier bastion de vie privée hors radar bancaire, hors Big Data, hors fiscalité omnisciente. Supprimer le liquide, c’est, par exemple : - La fin de l’anonymat des dons en espèce (à une église, une ONG ou même à un mendiant dans la rue). - Terminés les pourboires pour désencombrer son porte-monnaie des pièces.     - L’impossibilité pour un parent de donner 10 € en cash à son enfant pour la cantine, le ciné, ou un achat spontané.     - Et à terme, la capacité de l'État, des banques, ou des proches, à savoir, et potentiellement limiter, tout ce que vous achetez. Ce n’est plus de la politique. C’est du design de société. Un vrai contrôle social. "Mais ça gêne les dealers." C’est vrai. Comme la suppression des voitures gênerait les go fast. Ou l’interdiction du ski éviterait les avalanches. Quand on en arrive à supprimer une liberté pour éviter qu’elle soit mal utilisée, il faut commencer à s’inquiéter. Parce qu'après l’argent liquide, quelle est la prochaine "zone grise" à abolir ? Sur ce sujet comme sur d'autres, il y a une balance à faire entre liberté et efficacité. En Suède, après la disparition rapide du cash, les autorités sont intervenues pour redonner la liberté d'utiliser du liquide. Une loi de janvier 2020 stipule donc qu'il doit être possible de retirer de l'argent liquide dans un rayon de 25km. Parce que le gouvernement a estimé que le tout numérique pouvait discriminer certaines catégories de personnes : celles qui n'ont pas accès à un compte bancaire ou à un téléphone portable du fait de leur grande précarité ou de leur illetrisme numérique. Et pendant ce temps-là, le bitcoin attend, et les billets en francs suisses circulent toujours très bien dans certaines vallées.