"On ne peut pas à la fois dire je veux revaloriser la valeur travail et dire vous allez travailler gratuitement."
Les sénateurs veulent rajouter 7 heures de travail gratuit pour chaque salarié : au Moyen-Âge on appelait ça la corvée.
La corvée désignait une forme d'impôt où les paysans consacraient une partie de leur temps à entretenir gratuitement les terres d’une aristocratie bien au chaud dans ses châteaux.
Mais ça, c’était avant.
Avant la nuit du 4 août 1789, où l’on a balancé privilèges et corvées dans le fossé de l’Histoire.
250 ans, 5 républiques, 2 empires, 1 restauration plus tard, voilà qu’on ressort des placards les bonnes vieilles traditions.
Tout a commencé en 2004, avec le lundi de Pentecôte, rebaptisé « journée de solidarité ».
Une belle idée sur le papier : travailler pour nos aînés.
Mais dans les faits, un bricolage.
Vous pouvez bosser. Ou pas.
Prendre un jour de congé. Ou pas.
Rattraper. Ou pas.
Résultat ?
À la SNCF on a inventé 1 minute et 52 secondes de travail en plus par jour (prière de ne pas rire).
Du temps jeté par les fenêtres pour des milliers d'entreprise à gérer une mesure bancale.
Et maintenant c’est reparti pour un tour.
Les députés ayant terminé leur concours d’invention de taxes, voilà les sénateurs qui entrent en scène.
"Et si on rajoutait une autre journée de travail gratuit plutôt que réformer l'État ? Oh oui !"
Mais attention, hein : sans donner l’exemple.
Sans toucher à ceux qui ne travaillent pas le minimum légal.
Sans mettre fin aux contournements grotesques comme celui des 1 minute 52 secondes.
L’aristocratie moderne se moque du monde, drapée dans des discours vertueux et de sacrifice qui ne les concernent pas, par manque de courage et de volonté.
Le tout, pendant :
- qu’on laisse l’État crouler sous des dépenses inutiles,
- qu’on entretient un millefeuille administratif indigeste,
- et que certaines collectivités et administrations ne sont toujours pas en mesure d'atteindre les 35 heures hebdomadaires.
La République française est quand même un savoureux mélange de révolution et de farce.
Si demain on nous demande encore une journée gratuite, posons-nous la vraie question : jusqu’à quand jouerons-nous aux serfs modernes ?