"Parce que c’est comme ça" : la magie des raisons bidon.
Un matin, Sophie débarque en courant dans mon bureau.
Sans frapper, bien sûr.
Elle est essoufflée, avec un poney gonflable sous le bras.
“Tu peux m’aider ? J’ai besoin de gonfler ce poney PARCE QUE le client adore les chevaux.”
Je reste figé.
Un poney gonflable ?
Qu’est-ce que je viens faire là-dedans ?
Et puis en quoi ça a un rapport avec le boulot ?
Je lui sors un classique "Franchement, là, je suis débordé."
Elle insiste : “Allez, juste un coup de pompe, PARCE QUE je dois absolument l’avoir prêt pour la réunion de 14h.”
Et là, sans réfléchir, je lui dis oui.
Et me voici en train de pomper, alors que j'ai un call dans 10 minutes et que rien n'est prêt.
Pourquoi ? Parce qu’elle m’a donné une raison.
Une raison bidon, certes, mais il suffit d’un "parce que" pour que le cerveau fasse une pause et accepte n'importe quoi.
Même gonfler un poney pour une réunion client.
Ça paraît surréaliste ?
Pas tant que ça.
Robert Cialdini, dans Influence et manipulation, raconte une expérience étonnante.
Dans une file d’attente à la photocopieuse, quelqu’un disait "Est-ce que je peux passer devant ?" et se faisait refouler.
Mais dès qu’il ajoutait un petit "PARCE QUE j’ai des copies à faire", plus de 90% des gens le laissaient passer.
Alors que la raison avancée n'a aucune valeur ajoutée : on se doute bien que si c'est pour passer devant, ce n'est pas pour se faire faire un brushing…
En fait le cerveau adore les raisons.
Ça marche dans la photocopieuse, et ça marche avec des poneys gonflables.
Et avec des assurances.
"Je n’ai pas besoin d’assurance GLI, PARCE QUE mes locataires sont fiables."
"Je ne prendrai pas de garantie revente, PARCE QUE le marché immobilier ne fait que monter" (so 2021 celui-ci).
Jusqu’au jour où le locataire arrête de payer. Ou que le marché immobilier se casse la figure.
Et là, les PARCE QUE révèlent leur vraie valeur : 0.
Ce truc marche avec Sophie et son poney.
Par contre si vous dites à votre conjoint "Bon on part pas en vacances PARCE QUE j'ai pas pris d'assurance loyers impayés et que notre locataire ne paye plus", ça a peu de chances que ça passe.