Quand on lit certains écrits néoféministes, l’image qui se dégage des femmes est peu flatteuse :
- des naïves incapables de faire une règle de trois,
- qui gaspillent leurs économies dans des yaourts,
- tandis que Monsieur capitalise.
Ces nouvelles voix de l’émancipation ont une mission.
"Éveiller" leurs lectrices aux réalités, comme si elles n’avaient jamais eu l’idée, dans un moment de génie, d'ouvrir un compte joint ou de faire en sorte que chacun contribue à hauteur de ses revenus.
C’est toute la beauté de ce que j'appelle le Paradoxe de la Nunuche : combattre les préjugés tout en les renforçant.
En prenant les femmes pour des nunuches qu’il faut guider vers "l’éveil" (ce terme n'a décidément jamais aussi bien porté son nom), on finit par maintenir le cliché qu'elles n’ont pas les outils intellectuels pour penser par elles-mêmes.
En fait ce paradoxe ne se limite pas aux manuels d’émancipation féministe.
En vente aussi, on pratique l’art de la condescendance avec une finesse toute relative.
Combien de discours de vente commencent par nous expliquer que, bien sûr, le client ignore tout de ses propres besoins.
Que, sans notre aide, il serait perdu comme un gosse sans carte au milieu de l’Amazonie.
Qu'en fait il n'attendait que nous pour que sa vie change, enfin, pour le mieux.
Le schéma est en général le suivant :
- le ton docte,
- l’explication du produit comme une "révélation" : un peu comme dire à quelqu'un qu'un toit sur une maison, c'est bien pratique.
On prendrait presque le client par la main pour lui révéler des évidences.
"Oh, t’as pas de système de gestion pour organiser ton équipe ? Bah dis donc, c’est comme tenter de naviguer sans boussole, ça !"
Les clients, dans la plupart des cas, savent parfaitement ce qu’ils veulent (et ce qu’ils ne veulent pas).
Ils arrivent souvent en ayant fait leurs recherches, lu des avis, analysé des options.
Leur parler comme à des gamins de 5 ans, ça peut vite tourner à l'infantilisation.
Ça ne fait que renforcer une idée simple : leur faire croire qu'ils "ont besoin de nous pour penser correctement".
Alors peut-être que le véritable respect, c’est d’aborder le client avec l’idée qu’il sait déjà où il va.
Suggérer, conseiller, éclairer un point qu’il n’a pas encore envisagé, mais sans présumer qu’il a besoin de recevoir notre "précieuse lumière" pour comprendre la vie.
Finalement, vouloir trop éduquer, trop éveiller, n’est-ce pas contreproductif ?